Quelques mots pour expliquer autant que possible ce que je fabrique en ce moment, et qui par conséquent, me travaille.
En septembre 2017, Paris s'est vu peu à peu envahie par des vélos en free floating venus d'Asie.
Ce projet de vélos partagés accessible via smartphone ne servait finalement q'un seul but: récolter des donnés de déplacement de la part des usagers. Des investissements massifs ont été amassés par ces nouvelles start-ups venus de grands consortiums se servant de données gps comme d'une matière première.
Pour en faire quoi ? C'est le grand mystère du big data, on collecte des informations en masse en vue d'analyses et d'interprétations pour par exemple, réinventer la circulation urbaine dans un futur hypothétique.
En conséquence l'utilisateur de ces vélos en freefloating travaille à ses dépends pour le big data mais en plus il paye pour cela sa course et sa caution. Alors qu'il semblerait logique qu'il soit rémunéré pour son acte.
La communication de ces start-up se base sur le partage et l'écologie. Le partage se manifeste par une dépossession du vélo mais qui offre un avantage puisque l'utilisateur est complètement déresponsabilisé de son entretien. En fait il s'opère un glissement pervers qui encourage une certaine infantilisation qui conduit en plus a une perte de connaissance de savoir réparer et de prendre soin des choses pour pouvoir les faire durer.
Or, le mot d'ordre de l'écologie est de devenir responsable de son environnement afin de réparer et prévenir l'irréparable.
Il se dessine ici un paradoxe énorme qui se renforce du fait, qu'en plus de cela, ces fameuses start-ups n'ont quasiment pas prévu l'entretien de ces vélos, soit-disant réputés pour durer et être inviolables. Ces deux dernières, soit-disant qualités compliquant considérablement le démontage non-destructif, l'entretien et la réparation.
A tout ceci s'ajoute l'envahissement mondial de ces vélos aux couleurs criardes dans la plupart des grandes villes d'Asie, de l'Australie, d'Europe et D'Amérique. Ces grandes villes devant faire déjà face à des problèmes grandissants d'espaces public voient une pollution nouvelle arriver en une absence totale de concertation. C'est le propre des start-ups de pouvoir émerger avec arrogance grâce à un flou juridique sans vraiment vouloir en supporter les conséquences.
Le résultat est là, des milliers de vélos en surproduction envahissent des friches, les piétons ne peuvent plus circuler sur les trottoirs, les vélos s'usent sans être réparés et se dégradent de plus en plus. La population urbaine s'énerve et se défoule sur ces vélos qui finalement ne se partage pas. Après tout pourquoi mettre un antivol sur un vélo censé se partager ? Précisement pour en exclure une partie de la population notamment les mineurs.
Gobbe bike l'une des premières de ces start-ups à s'implanter en France, déclare forfait en accusant la malveillance de la jeunesse, délègue le soin à des associations de récupérer leurs vélos réparables et laissent à l'abandon leurs épaves aux bons soins du service des encombrants de la ville.
Ces entreprises d'une perversité incroyable ont réussi le tour de force en l'espace de quelques mois à faire du vélo un artefact de pollution, tout en accusant la population d'être des vandales.
Mais peu importe, le big data a de grands jours devant lui, les investisseurs ont eu les données qu'ils voulaient, ils vont pouvoir continuer à rendre leur monde meilleur…
Alors et moi dans tout ça? Je ne suis qu'un vautour se nourrissant des cadavres d'un monde à l'agonie, mais je suis aussi ma propre start-up et je vais rendre mon monde meilleur. :)